Jusqu’à la survenance d’un sinistre, l’assurance n’est qu’une promesse.
La mise en œuvre du service n’a lieu réellement que dans le traitement des sinistres.
La qualité des intervenants est mise à rude épreuve.

 

La déclaration de sinistre

Un sinistre se définit comme un événement dommageable pour l’assuré, dont les conséquences font l’objet d’une garantie prévue au contrat.

La vérification de l’existence d’une garantie en cours de validité est donc le premier acte préalable à la déclaration, de même que la décision quant à son opportunité : rappelons que des déclarations trop fréquentes, même ne conduisant pas à des indemnisations, dégradent l’appréciation que l’assureur a du contrat et peuvent conduire à sa résiliation ou à l’augmentation de la prime ; il convient donc de s’interroger sur la probabilité que le sinistre se traduise par une perte pécuniaire réelle, et notamment en cas d’existence de franchise, supérieure à cette dernière !

Un délai très court est fréquemment spécifié par le contrat pour porter le sinistre à la connaissance de l’assureur ; la loi prévoit cependant qu’il ne peut être inférieur à cinq jours ouvrés (article L113-2 du Code des assurances).

La déclaration peut être effectuée sous quelque forme que ce soit – aucun imprimé particulier n’est obligatoire, il convient simplement d’y porter toutes les informations utiles : n° de contrat, titulaire, localisation du sinistre, cause présumée, caractérisation des dommages, désignation sommaire des biens affectés, tiers éventuellement impliqués, etc. – et même si la loi prévoit qu’elle doive être effectuée par lettre recommandée, elle peut dans la pratique être effectuée par toute voie utile pourvu que la déclaration laisse une trace et que l’assureur la reçoive et en accuse réception : courrier, fax, courrier électronique, etc.)…

Le délai imparti doit être autant que possible respecté, mais un dépassement n’est pas rédhibitoire : le même article du Code des assurances prévoit que « lorsqu’elle est prévue par une clause du contrat, la déchéance pour déclaration tardive au regard des délais prévus (…) ne peut être opposée à l’assuré que si l’assureur établit que le retard dans la déclaration lui a causé un préjudice. Elle ne peut également être opposée dans tous les cas où le retard est dû à un cas fortuit ou de force majeure ».

Le droit à indemnisation

Concernant les dommages aux biens, l’indemnité promise par le contrat dès lors qu’un sinistre garanti est intervenu est due, qu’elle soit ou non utilisée pour les réparer ! La jurisprudence admet en effet que l’assuré ait le choix entre utiliser l’indemnité pour rétablir la valeur de ses biens endommagés ou remplacer ceux qui sont perdus, ou subir la perte de valeur et jouir de l’indemnité en réparation. L’indemnité est donc due sans que l’assuré n’ait à présenter de factures de réparation.

Cela ne vaut pas par contre pour la part de l’indemnité résultant quand il est souscrit du supplément de garantie « valeur à neuf » : l’assureur verse dans ce cas l’indemnité correspondant aux travaux de réparation ou de reconstruction déduction faite du coefficient de vétusté fixé lors de l’instruction du sinistre, et ne verse le solde que sur présentation des factures des travaux réalisés.

Le principe ne vaut pas non plus pour l’indemnité due au titre d’un sinistre de responsabilité civile, la perte pécuniaire justifiant l’indemnisation ne naissant que pour autant que l’assuré soit amené à indemniser effectivement la victime. L’indemnité est alors versée directement par l’assureur à la victime de l’assuré.


Les suites possibles de la déclaration

L’assureur en possession d’une déclaration de sinistre a le choix entre plusieurs approches :

 la proposition en gré à gré d’une indemnité forfaitaire : cette pratique progresse pour les petits sinistres à la grande satisfaction des assurés ; elle a l’avantage de la rapidité et de l’économie d’une expertise ; l’indemnité est fixée lors d’une conversation téléphonique avec l’assuré déclarant, invité à décrire ses dommages ; l’utilisation de cette méthode suppose que l’assureur soit convaincu de la réalité de l’existence d’un dommage…

 l’envoi d’une entreprise pour procéder aux réparations : cette méthode a encore plus la faveur des assureurs pour les petits sinistres, notamment les dégâts des eaux ; la décision d’envoi de l’entreprise est prise avec l’accord de l’assuré au terme, comme pour le cas précédent, d’une conversation téléphonique ;

 la proposition d’une indemnité sur devis présenté par l’assuré à l’invite de l’assureur : cette méthode est également pratiquée dès lors que la description des dommages laisse présager une indemnité de faible montant ; l’assureur se réserve bien entendu d’apprécier le sérieux du devis présenté et de se reporter à une méthode plus classique s’il ne lui inspire pas confiance…

 l’expertise pour évaluer les dommages et l’indemnité à proposer : les assureurs y recourent systématiquement dès que le sinistre est d’une certaine importance ; l’expertise porte aussi bien sur les dommages aux biens que sur l’évaluation des indemnités dues au titre de la responsabilité civile.

L’expertise

L’expertise diligentée par l’assureur est un acte amiable dont il assume la charge. Elle ne vaut que pour autant que l’assuré en accepte les conclusions.

Peut être désigné en tant qu’expert un salarié de la compagnie, ou un membre de la profession des experts d’assurance.
Certains sinistres qui mettent en jeu plusieurs assurances voient l’intervention de plusieurs experts, un par compagnie concernée ; les compagnies peuvent aussi convenir entre elles de n’avoir recours qu’à un seul expert.

L’assuré peut lui-même, dans les sinistres importants, se faire assister d’un « expert d’assuré » : les garanties incendie, tempête, catastrophes naturelles intègrent la plupart du temps dans leur garantie la prise en charge de se honoraires, et dans ce cas il ne faut surtout pas s’en priver : l’expert d’assuré est rémunéré en pourcentage sur l’indemnité obtenue et assiste en général efficacement l’assuré dans l’établissement de l’ « état des pertes », pas toujours facile à dresser, et dans la négociation pied à pied avec l’expert pour le chiffrage des différents postes, la prise en compte de certaines dépenses et la fixation des coefficients de vétusté, éléments susceptibles d’influer sensiblement sur le montant de l’indemnité finale !

L’expert évalue souverainement les dommages, la vétusté, les frais annexes et les pertes indirectes mentionnées par l’assuré. Les travaux sont chiffrés sur devis présentés par l’assuré ou sur prix de « Série » suivant barèmes des professionnels du bâtiment. Les objets personnels sont évalués non pas en fonction de leur valeur affective mais de leur valeur marchande. Lorsqu’ils ont disparu, leur existence et leur valeur doit être prouvée par l’assuré par tout moyen : photos, factures, certificats de valeur, etc.

L’expert apprécie également si les dommages n’ont pas été aggravés par la négligence de l’assuré à prendre des mesures de sauvegarde ou de protection : par exemple bâcher une toiture qui s’est mise à fuir, couper l’eau, cesser l’utilisation d’une installation détériorée, etc.
Il remet son rapport à la compagnie qui l’a missionné.

La proposition d’indemnité

Elle est établie souverainement par la compagnie ou un mandataire. Elle est accompagnée d’une lettre d’acceptation qui, signée par le bénéficiaire, vaut renonciation à recours et subroge la compagnie dans les droits de l’assuré pour tous recours que la compagnie est susceptible d’effectuer à l’encontre des responsables éventuels du sinistre.


Les recours possibles

• En cas de refus d’indemnisation

Il peut avoir deux causes :

 l’événement n’est pas couvert par une garantie du contrat ou est visé par une exclusion explicite ;

 la garantie était subordonnée à la réalisation par l’assuré de conditions particulières qui n’ont pas été mises en œuvre.

Dans les deux cas, l’article L112-4 du Code des assurances spécifie que « les clauses des polices édictant des nullités, des déchéances ou des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents » et rédigées de façon précise et non équivoque …

Par ailleurs, la clause invoquée par l’assureur pour refuser sa garantie ne doit pas être abusive : la Commission des clauses abusives, a dans une recommandation de 1985 recensé 39 clauses abusives, et même si ses avis ne sont pas obligatoires, ils ont du poids devant les tribunaux…

L’assuré en désaccord avec la position de l’assureur dispose de recours amiables ou d’une possibilité de médiation :

 l’instance de conciliation de la compagnie : il s’agit, en général, d’un service consommateurs ou de relation avec la clientèle ou d’une direction qualité ; elle doit être mentionnée par le contrat ;

 la Commission de contrôle des assurances : elle peut être saisie pour tout manquement de la compagnie à son devoir d’application de la loi ;

 le « Médiateur assurances » : depuis 1993, les assureurs se sont soumis à la procédure de la médiation confiée à une personnalité indépendante ; l’accès à cette procédure est limité aux litiges ne relevant pas d’une expertise ou faisant l’objet d’une procédure judiciaire. Les voies de recours prévues au contrat doivent avoir été épuisées ; la saisine se fait par l’intermédiaire de Médiation assurance qui dirige le dossier sur le médiateur compétent (FFSA, GEMA, GROUPAMA) ou sur le service de la société en relations avec celui-ci. Le recours à ce dispositif, qui n’a d’autre objectif que d’éviter les contentieux judiciaires, est facultatif. De plus, même dans le cadre d’une procédure de médiation, l’assuré conserve toujours la possibilité de saisir les tribunaux de son litige, que ce soit en cours de la procédure, et ce sans avoir à se justifier, ou encore à son issue, dès lors que la décision du médiateur ne lui convient pas.

A défaut d’obtenir satisfaction amiablement ou par la voie de la médiation, il reste le recours judiciaire.

• En cas d’indemnisation insuffisante

L’assuré qui ne se contente pas de l’indemnité proposée peut missionner un « expert d’assuré » pour discuter les conclusions du premier expert ; ses honoraires sont pris en charge par l’assureur si le contrat le prévoit et si l’assuré n’a pas déjà usé de cette faculté lors de la première expertise. En cas d’absence d’accord entre les deux experts, une tierce expertise peut être déclenchée avec désignation de ce troisième expert d’un commun accord avec l’assureur – le litige prend alors la forme d’un arbitrage – ou à défaut avec désignation du troisième expert par le tribunal. Le recours devient à ce stade judiciaire…

Si l’expertise n’est pas en cause, mais par exemple l’interprétation des garanties par l’assureur, l’assuré dispose des mêmes recours qu’en cas de refus d’indemnisation à l’exception de la saisine de la Commission de contrôle des assurances.


Le couperet de la prescription de deux ans

L’article L114-1 du Code des assurances fixe un délai de prescription particulièrement court pour « les actions découlant du contrat d’assurance », qu’elles soient à l’initiative de l’assuré comme de l’assureur : elles se prescrivent au bout de deux ans « à dater de l’événement qui y donne naissance ».

Pour l’indemnisation ce délai ne commence à courir « (…)en cas de sinistre, que du jour où les intéressés en ont eu connaissance, s’ils prouvent qu’ils l’ont ignoré jusque-là », et « quand l’action de l’assuré contre l’assureur a pour cause le recours d’un tiers, le délai de la prescription ne court que du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l’assuré ou a été indemnisé par ce dernier »…

Par ailleurs, l’article L114-2 prévoit que « la prescription est interrompue par une des causes ordinaires d’interruption de la prescription : un commandement, une saisie une assignation en justice, ou encore par la reconnaissance par l’assureur du droit de l’assuré à indemnisation etc. mais aussi par « l’envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception adressée par l’assuré à l’assureur en ce qui concerne le règlement de l’indemnité ».

Sur un plan pratique, la prescription peut donc jouer et faire perdre à l’assuré tout droit à indemnisation sur un sinistre :

 s’il ne déclare pas un sinistre plus de deux ans après sa survenance sans pouvoir prouver qu’il l’ignorait,

 si, en cas de renonciation à expertise de l’assurance (proposition de remboursement sur présentation de la facture suite à devis accepté), il laisse passer deux ans entre la survenance du sinistre et l’envoi de sa facture,

 s’il laisse passer deux ans après le début d’une expertise sans obtenir de proposition d’indemnité,

 ou encore s’il laisse passer ce même délai entre la proposition d’indemnité et le règlement.

C’est d’autant plus dommageable qu’il suffit d’une lettre recommandée pour interrompre cette prescription

Mentionnons tout de même que la jurisprudence a accepté le principe que le délai de prescription soit suspendu en cas d’impossibilité absolue d’agir de l’assuré (cas de force majeure dû à des troubles mentaux)ou quand l’assureur a un comportement fautif …


Les sinistres en copropriété

S’il n’y a pas de difficulté particulière quand des dommages immobiliers se situent dans les parties communes, tel n’est pas ne cas quand ils se situent dans une partie privative : ces dommages – aux peintures et revêtements, aux équipements fixes, aux cloisons intérieures, aux placards et penderies encastrés, à une cuisine équipée ou une salle de bains intégrée, etc. – relèvent alors pour leur indemnisation (sauf cas des dégâts des eaux avec mise en jeu de la Convention CIDRE) de l’assurance de l’immeuble, contractée par le syndicat des copropriétaires, alors que les ouvrages ou équipements affectés appartiennent au propriétaire des parties privatives.

Ils doivent être déclarés à l’assureur par le syndic, sur son initiative ou à la demande du copropriétaire concerné, et le syndicat des copropriétaires est en tout état de cause destinataire de l’indemnité ! Le syndic doit alors lui reverser l’indemnité contre quittance.

Une autre difficulté concerne la fixation de l’indemnité : le copropriétaire n’étant pas partie au contrat de l’assurance de l’immeuble, celle-ci peut théoriquement être fixée et acceptée par le syndic sans son consentement ! Toutefois, le syndic qui agirait ainsi fait prendre un risque au syndicat des copropriétaires : en effet ce dernier, en souscrivant un contrat d’assurance qui couvre à la fois les parties communes et les parties privatives, agit en réalité pour celles-ci en vertu d’un mandat tacite des copropriétaires ; en cas de désaccord sur le montant obtenu, le copropriétaire qui s’estime lésé peut alors mettre en cause la responsabilité du syndicat et obtenir de ce dernier, par voie d’expertise judiciaire le complément d’indemnité auquel il estime avoir droit…

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